Fait amusant, c’est à l’intérieur du compartiment moteur que l’on trouve le bouchon donnant accès au réservoir d’essence.
C’est connu, les Québécois sont friands de petites voitures. D’ailleurs, c’est ici que sont achetés, toutes proportions gardées, le plus de véhicules compacts en Amérique du Nord. Certains diront que c’est attribuable à notre style de vie, plus européen qu’américain. Peut-être. D’autres affirmeront que c’est parce que nous sommes, collectivement, guidés par notre bonne conscience.
Ce qui est sûr, c’est qu’une bagnole comme la Renault Dauphine se retrouve ici en terrain hospitalier. Nulle part ailleurs ne risque-t-elle d’être chérie autant que chez nous. En prime, les liens entre la France et le Québec étant tous naturels, c’est comme si elle faisait partie de notre histoire.
On se contentera de dire qu’elle a contribué à en écrire quelques lignes.
Petite voiture, grosse affaire
Ce qui saute aux yeux à propos de la Dauphine, ce sont ses dimensions lilliputiennes. Une smart a pratiquement des allures de char d’assaut à ses côtés. N’empêche l’intérêt généré lors de l’introduction de cette voiture au Palais de Chaillot, à Paris, le 6 mars 1956, était complètement fou. Plus de 20 000 personnes s’étaient déplacées pour assister à sa présentation.
Deux jours plus tard, elle faisait officiellement ses débuts au Salon de Genève.
Un Dauphin
Le projet entourant la Dauphine est né dans les bureaux de Renault à la fin des années 40. Après la guerre, le constructeur avait mis en marché la 4CV, une voiture qui s’est avérée très populaire. Cependant, on se doutait bien, dans les rangs de l’entreprise, que les consommateurs français réclameraient bientôt une successeure à cette dernière.
Puisque la 4CV était considérée comme la Reine au sein de la gamme, sa remplaçante ne pouvait qu’avoir un rôle de Dauphin et le nom lui fut accolé, après avoir été féminisé. Cela ne vint que plus tard, toutefois.
Car, si l’on effectue un calcul rapide, on réalise qu’il s’est écoulé sept ans entre le début du projet et la présentation officielle de la voiture.
Pendant tout ce temps, des années de durs labeurs, des tests interminables, des modifications, des réglages, etc.
Conception
En raison de sa taille, on le devine, la Dauphine visait à concurrencer une kyrielle de petites voitures alors produites en Europe, comme la Volkswagen Beetle. Même sa conception était similaire à cette dernière alors que le moteur qui l’animait était monté à l’arrière. Au départ, c’est une mécanique de 760 cc et 19 chevaux qui avait été prévue pour elle, mais on se rendit vite compte que ce n’était pas suffisant. On fit alors grimper la cylindrée à 845 cc et la puissance à 32 chevaux.
Quant à ses lignes, elles étaient fortement inspirées de celles de la Renault Frégate, une bagnole commercialisée par la firme depuis 1951. Elles s’inscrivaient dans la philosophie Ponton, une tendance stylistique qui mettait l’accent sur les formes arrondies et l’intégration des différentes sections de la voiture pour former un tout harmonieux, en opposition à un design qui priorisait l’utilisation de parties séparées comme les portières, les ailes, etc.
Fait amusant, on a fait appel au célèbre carrossier Ghia pour dessiner la partie arrière, là où la prise d’air pour le moteur est agencée à l’aile.
Au total, plus de deux millions de kilomètres d’essais ont été accumulés sur cette voiture avant qu’on la juge prête à attaquer le marché.
Accueil
Le succès de la Dauphine fut grandiose. Au total, entre 1956 et 1967, plus de 2 150 000 exemplaires furent vendus à travers le monde. En Angleterre, elle fut l’une des premières voitures importées à s’imposer. Aux États-Unis, là où elle devait concurrencer directement la Coccinelle de Volkswagen, elle connut un succès rapide, mais un déclin tout aussi marqué. En 1957, Renault en écoula 28 000. Ce chiffre doubla l’année suivante et doubla encore pour 1959. Cependant, en 1966, c’est à peine si 12 000 copies trouvaient une adresse.
La critique envers elle ne fut pas très éloquente. On pestait contre sa tendance au survirage (61 % de son poids reposait sur l’essieu arrière), sa lenteur à atteindre les 100 kilomètres-heure (32 secondes) ainsi que sur sa tendance à la corrosion.
Pire encore, le service dans les dépositaires était montré du doigt, tout comme le difficile approvisionnement en pièces. Rien pour aider.
Aujourd’hui, c’est une relation d’amour-haine qu’entretiennent les critiques envers cette voiture. Autant on a un faible pour elle, autant elle se retrouve dans les palmarès des pires créations de son siècle.
Notre Renault Dauphine 1964
Quant à notre Dauphine, elle a eu la chance de recevoir d’excellents soins, ce qui lui a permis de traverser, jusqu’à présent, cinq décennies. Pierre Bérubé, son propriétaire actuel, n’est que le deuxième à la posséder. Il l’a obtenu de sa tante, qui elle, l’avait achetée neuve d’un concessionnaire de Québec, en 1964.
« Elle a dû cesser de conduire en 1982 et me l’a offert, à condition qu’elle demeure dans la famille le plus longtemps possible. C’est une condition que je ne pouvais pas refuser. »
Ainsi, de 1982 à 1985 inclusivement, cette Dauphine devient la voiture principale de Pierre Bérubé. « Seulement l’été, cependant. Ma tante ne l’avait jamais sortie l’hiver et je n’étais pas pour briser cette tradition. »
Toutefois, ses besoins changent et il a besoin, à la fin de son parcours universitaire, d’une voiture plus pratique, d’une auto qu’il pourra également utiliser l’hiver. Il décide alors de remiser la Dauphine.
« Ça devait durer un certain temps. Puis, de circonstance en circonstance, la voiture a été entreposée pendant 25 ans. J’allais la voir de temps en temps chez la dame qui l’accueillait chez elle. C’était une amie de ma tante; la Dauphine était en sécurité », raconte Pierre Bérubé.
Puis, le destin allait intervenir en faveur de la puce française. « J’ai eu la chance de rencontrer un type qui rebâtissait des voitures anciennes et à ce moment, il se cherchait un projet. Je lui ai alors mentionné que j’avais une voiture qui avait besoin de soin et lorsqu’il a su que c’était une Dauphine, ses yeux se sont illuminés ; il avait travaillé dans un concessionnaire Renault à l’époque. Il la connaissait donc sous toutes ses coutures. »
Ainsi, à l’automne 2010, la Dauphine prend le chemin de l’atelier pour en ressortir toute ragaillardie au printemps 2011.
Depuis, son propriétaire lui fait prendre l’air à l’occasion. « Pas aussi souvent que le temps me le permet, mais c’est appelé à changer », promet-il.
Amateurs de Renault, soyez donc aux aguets.
Conclusion
Au cours de son histoire, Renault a souvent fait les choses autrement. Ce fut le cas avec cette Dauphine et qu’importent les critiques virulentes qui lui furent adressées à l’époque, son succès commercial à préséance ; les gens avaient besoin d’une voiture du genre et ont été nombreux à la sélectionner parmi les autres.